Pedostop

Conséquences / Signes

Avant de poser un diagnostic d’abus sexuel:

-la parole de l’enfant et du parent/ adulte responsable devrait être entendue séparément.

-Les circonstances dans lesquelles sont évoquées l'agression sexuelle doivent être prises en compte.

-Et un examen médical par un professionnel expérimenté dans cette problématique importe aussi.

 

La gravité des conséquences dépend de plusieurs facteurs, selon Nisse, Gruyer, Sabourin, 1991. 

  • la précocité de l’abus  
  • la durée de l’abus
  • le plaisir éventuel qu’aurait pu ressentir l’enfant victime
  • la validation de la parole de l’enfant qui dit être victime d'agression sexuelle.
  • l'absence de preuves matérielles
  • l'absence de traitement judiciaire et/ou mauvais traitements institutionnels

Parmi les conséquences décrites, certaines sont des indications / signes d’abus sexuels.

  • la parole de l'enfant qui n'a pas la maturité psychique pour inventer tout acte d'abus sexuel. La parole de l’enfant est précieuse. Ecouter ses mots à lui est capital. Sabourin dans Gabel, 1992, écrit : « La parole a valeur d’appel au secours ».

  • la masturbation compulsive et publique de l'enfant (masturbation normale chez les enfants d'environ 2-3 ans)

  • l'agression sexuelle d'autres enfants ou les actes sexuels commis sur les autres enfants. Le jeu du 'docteur', de 'papa-maman' est normal seulement à l'âge de 4-5 ans et entre deux enfants de même âge. Et à cet âge, il ne 'agit pas d'agression sexuelle.

  • les formes phalliques ou vulvaires, dessins de pénis ou vagin ou scènes sexuelles dans les dessins, et surtout la parole posée par l'enfant à propos de ces dessins

  • les propos sexualisés des enfants, inadaptés à leur âge.

    Dans Conséquences des maltraitances sexuelles. reconnaître, soigner, prévenir. (2003). Sous la direction de Nicole Horassius et Philippe Mazet. Edition: John Libbey, Eurotext:

    Comment reconnaître une maltraitance sexuelle récente chez l'enfant de 0 à 3 ans?  Picherot, G. Dufilhol-Dreno, L. Balencon, M et Vabres, N. 

    3 aspects sont cruciaux à prendre en compte selon les auteurs: « les circonstances de la révélation, la parole et les troubles du comportement secondaire, l’examen clinique et ses difficultés. »

     -Parfois on peut observer un changement de comportement chez un enfant de cet âge. 

     -La parole : parfois posée par l’enfant ou énoncée par un membre de la fratrie.L’enfant peut parfois designer l’acte d’abus ou alors la douleur et angoisse secondaire.

    - Parfois on observe des lésions périnéales ou MST.

    Les auteurs établissent des signes d’un traumatisme récent : 

  • "peur : agitation, irritabilité, troubles du sommeil, cauchemars, hurlements en situation similaire, sensation d’insécurité.

  • rappels douloureux : refus de change, refus d’examen

  • expressions somatiques : douleurs abdominales, anorexie, gène à la déglutition

  • expressions indirectes du traumatisme génital et périnéal : régression de propreté, constipation, encoprésie, infections urinaires

  • MST-hémorragie génitale

  • comportement sexualisé : masturbations compulsives, jeux sexuels précoces ou gestes sexualisés de l’enfant sur un adulte ou un autre enfant. « Les comportements sexualisés précoces ne sont pas à eux seuls une preuve d’agression » selon les auteurs.

  • comportement d’agressivité inhabituel à cet âge, même avec des personnes proches.

     

    C'est l'association de ces signes au contexte qui permettra de poser un diagnostic d'abus sexuel."

 

Les conséquences observées dans plusieurs situations d'agression sexuelle, selon plusieurs recherches sur le plan international: 

 1 – Conséquences psychologiques

  • Sentiment de peur
    • de l’autre (sondage IPSOS AIVI 2010)
    • des représailles
    • de ne pas être cru/e
    • de ne plus être accepté/e par sa famille
    • de se sentir jugé/e et condamné/e
    • des conséquences du dévoilement (Thouvenin, C. dans Gabel 1992).
    • «I felt frightened, very, very frightened and…trust me, it’s very very scary».  (Mudaly, N. & Goddard, C. 2006)
  • Image de soi défaillante. Dévalorisation. L’estime de soi de la personne victime est souvent réduite au seul plaisir procuré (Nisse, Gruyer & Sabourin , 1991). 
  • Impression/sensation que le corps est ‘souillé’
  • Honte
  • Solitude
  • Sentiment d’abandon
  • Culpabilité liée:
    • à la séduction de l’enfant sur laquelle insiste l’agresseur
    • au plaisir ressenti
    • au fait de ne pas avoir dit non
    • au fait de ne pas avoir dénoncé plus tôt
    • au fait d’avoir continué à solliciter l’agresseur, etc. 
  • Traumatisme quasiment permanent : souvenir fréquent de l’agression et cauchemars violents et dérangeants
  • Troubles du comportement alimentaire : anorexie, boulimie.  
  • Excès d’alcool / drogue: 29% des hommes et 55% des femmes toxicomanes ont des antécédents incestueux, selon Glover et al, 1996.
  • Troubles anxieux : angoisse, stress
  • Insomnies, troubles du sommeil, terreurs nocturnes
  • Etat dépressif. 60 % des personnes victimes d’abus sexuels en souffriraient, selon Schulte & al., 1995.  
  • Troubles de Stress Post-traumatique 
  • Idées suicidaires chez les enfants; tentatives de suicide en préadolescence, à l’adolescence ou à l’âge adulte. Il y a 3 à 4 fois plus de tentatives de suicide quand l'agression sexuelle a eu lieu avant l'âge de 16 ans (Davidson et col., 1996).
    Selon Turecki en 2010, le risque de suicide est 12 fois plus élevé chez les personnes qui ont été victimes d’abus sexuels et physiques pendant l’enfance.
  • Déni: mécanisme de défense (comme tous les mécanismes de défense, de protection. Ce mécanisme est mis en place par la personne victime de manière automatique, inconsciente et fréquente pour se protéger de l’intensité de la souffrance et de l'horreur subies) Dans ce cas, il s'agira d'exclure de son vécu, la souffrance et l’événement traumatique.
  • Dissociation: mécanisme de défense. La personne victime va se dissocier de son corps, de son ressenti. Comme si la violence subie était commise sur autre qu'elle-mêmeLa dissociation est une déconnexion émotionnelle. Se dissocier permet d'être spectateur, car insoutenables, des violences que l'on subit, de s'en détacher. 
  • Identification à l’agresseur: mécanisme de défense. Ce concept a été introduit par Ferenczi (1927-1933) et décrit par la suite par A. Freud (1936).

    Par ce mécanisme de défense, "le sujet confronté à un danger extérieur, s'identifie à son agresseur, soit en reprenant à son compte l'agression telle quelle, soit en imitant physiquement ou moralement la personne de l'agresseur, soit en adoptant certains symboles de puissance qui le désignent ».

    (Laplanche et Pontalis, 1967) 

  • Clivage: mécanisme de défense. Le concept de clivage (spaltung) figure dans les premiers écrits psychanalytiques de Freud. Il témoigne de la coupure radicale entre le conscient et l'inconscient. Le clivage du moi permet la co-existence en parallèle de deux attitudes tout à fait inconciliables sans que ces contradictions ne soient prises en compte.
  • Sidération : aucune émotion exprimée.  «L'agresseur qui isole, terrorise la victime va créer chez elle un sentiment de frayeur, de perte de repères, parfois même un sentiment de danger de mort qui la sidère. Cette sidération empêche de contrôler le stress extrême éprouvé et le cerveau va disjoncter puisqu'il ne parvient pas à moduler la réponse émotionnelle.»
    La victime sidérée ne peut plus réagir, se défendre, crier, s'enfuir, selon Dr Muriel Salmona, psychiatre-psychothérapeute et présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie. Mars 2014
  • Perception d’être physiquement et moralement sans défense
  • Confusion entre l'amour et le sexe. L’abus sexuel peut être justifié par l’enfant victime ou l’agresseur comme un trop plein d’amour du parent, selon Goddard & Mudaly, 2006.
  • Fugues
  • Réserves pour rentrer chez soi ou aller chez un membre de la famille/amis
  • Angoisse de perdre la vigilance : certains enfants dorment vêtus / refusent de se dévêtir

 

2 - Conséquences impliquant la vie sexuelle

  • masturbation excessive et publique
  • intromission d’objets dans le vagin, dans l’anus
  • comportement sexualisé envers les individus, les objets
  • thèmes sexuels dans les dessins, dans les histoires racontées, dans le langage 
  • demande de stimulation sexuelle
  • connaissance inadaptée de la sexualité adulte pour l’âge de la victime mineure
  • imitation de la sexualité adulte ou ‘mimes comportementaux’ selon Martine Nisse. L’enfant ne pouvant mettre en mots ce qu’il subit, le montre en actes.
  • exploration / jeux sexuels ou agression  sexuelle d’autres enfants
  • refus de se laisser toucher
  • prostitution, délinquance, « nomadisme amoureux » (Nisse & al, 1991). Entre 76 % et 90 % des femmes et des hommes prostitués ont des antécédents d'agressions sexuelles pendant leur enfance, notamment d'inceste. (Hill, Kathryn, 1992). 
  • conduites inadaptées de voyeurisme et  d’exhibitionnisme
  • comportement sexuel à risque
  • risque d’agression sexuelle d’autrui
  • difficultés de vivre une sexualité épanouie à l'âge adulte, se traduisant par:
    • une frigidité ou
    • un besoin constant de sexe ou
    • un refus de sexualité

 

3 - Conséquences physiques

  • saignements vaginaux/anaux 
  • dilatation anormale du sexe, de l'anus. 
  • MST (maladies sexuellement transmissibles) observées chez l'enfant victime
  • grossesse 
  • retard de langage, retard de développement psychomoteur des enfants ou 'nanisme psychosocial'.
  • grande agitation 
  • sidération/repli
  • attitude taciturne
  • énurésie secondaire/ encoprésie
  • troubles cognitifs : attention, concentration, diminution des performances, absences scolaires. 
  • douleurs abdominales aigües
  • maux de tête ou d’estomac à répétition 
  • automutilation
  • rituels de lavage
  • infections urinaires sans cause physiologique
  • difficultés de s’asseoir et de marcher, d’aller aux WC
  • altérations de parties du cerveau (Nemeroff, Heim & Pruessner, 2013)
  • modifications chimiques de l'ADN 
  • 90 % des femmes atteintes de fibromyalgie auraient subi des agressions sexuelles. (Goldberg et al Disabil. Rehabil. 1999; 21 (1) : 23-30; Boston, USA)
  • troubles psychosomatiques
  • infanticide ou néonaticide

 

4 - Conséquences sur la vie sociale 

  • changement brusque de comportement 
  • malaise en société, difficulté de faire confiance
  • la victime peut se mettre en situation d’objet (sexuel ou autre), pas de sujet
  • l’autre peut être considéré comme un objet
  • comportement agressif
  • difficulté à dire NON et soumission 

Au niveau scolaire :

  • troubles de l’attention / concentration 
  • désinvestissement ou surinvestissement
  • chute des résultats / performances
  • comportement de repli ou agressif
  • échec scolaire

 

POur aller plus loin:

  • Autres informations sur le site du CRIFIP (Centre de recherches internationales et de formation sur l’inceste et la pédocriminalité) et dans les ouvrages de la rubrique: Bibliographie.
  • Effets des abus sur les enfants. Février 2015.
    "Pediatrician Nadine Burke Harris explains that the repeated stress of abuse, neglect and parents struggling with mental health or substance abuse issues has real, tangible effects on the development of the brain. This unfolds across a lifetime, to the point where those who’ve experienced high levels of trauma are at triple the risk for heart disease and lung cancer."

  • Les abus engendrent des modifications chimiques de l’ADN. Octobre 2014.
    Un traumatisme psychologique dans l’enfance peut laisser une cicatrice génétique chez l’adulte. C’est ce qu’a découvert une équipe de chercheurs genevois en examinant l’ADN d’adultes souffrants de troubles psychiatriques.
    Le groupe de recherche du Professeur Alain Malafosse, du Département de psychiatrie de l’UNIGE (Université de Genève), en collaboration avec le Département de génétique et de développement, a ainsi démontré que l’association entre maltraitance infantile et certaines pathologies adultes résultait d’une modification des mécanismes de régulation des gènes. Leurs travaux sont publiés dans la revue Transnational Psychiatrie.

  • Agressions sexuelles : des conséquences différentes chez les garçons et chez les filles. Résultats préliminaires de l’étude sous la direction de Martine Hébert. Mai 2014. 

  • Comment le cerveau répond à la violence : la neurobiologie explique pourquoi les victimes ne crient pas pour alerter ou semblent parfois peu affectées par une agression. Mars 2014.

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